Le Maroc dans l’échiquier agricole africain

18/10/2018 Palmeraie Country Club – Casablanca

La réalité agricole africaine et le rôle que pourrait y jouer le Maroc en tant que force industrialisante et modèle de développement ont été au cœur des débats lors de l’événement EE Live organisé par Economie Entreprises, le jeudi 18 octobre 2018 à Casablanca.

Le continent africain recense 65% des terres arables non cultivées de la planète. Faibles revenus et famines en cas de guerre ou catastrophe naturelle sont cependant le lot de plusieurs pays du continent. Dans ce contexte, la perspective d’une zone de libre échange continentale (Zleca) fait naître l’espoir d’une circulation plus fluide des produits agricoles à même d’annihiler le spectre de la famine. La réussite de ce qui est un véritable pari passe par la mise en place d’un bon nombre de gardes fous: «Il faut en effet veiller à ne pas être trop protectionniste, en étant clair sur les notions de règles d’origine ou encore sur les exclusions déjà prévues pour que la Zleca ne soit pas vidée de tout son sens», explique Abdou Diop, directeur associé au cabinet Mazars. Hassan Benabderrazik, économiste et directeur général d’Agro Concept, considère quant à lui que «nous sommes confrontés à une contradiction importante où la plupart des pays d’Afrique subsaharienne sont protectionnistes alors que nous sommes dans une libéralisation très avancée avec les différents accords de libre-échange, dont celui avec l’Union européenne. Ce qui implique qu’il faudra trouver des points originaux et adaptés à la relation (dictée par la Zleca, ndlr)».

Pour Abdou Diop, le Maroc peut être un acteur de la transformation agricole dans les autres pays du continent.

Un marché de 1 milliard de consommateurs
Fort heureusement, un préalable existe, et c’est la volonté des 54 pays africains – représentant un marché d’un milliard d’individus – d’établir cette Zleca. Abdou Diop souligne à juste titre que «les Africains ne veulent plus être un marché, mais leur propre marché: [Pour le servir], il est essentiel de développer l’industrie africaine dans les années à venir, afin qu’il y ait des produits à échanger et que les infrastructures puissent permettre ce libre commerce». Il précise également que le Maroc a un rôle à jouer: «Grâce à son industrie agricole qui produit beaucoup de produits transformés, il peut être un acteur de la transformation agricole dans les autres pays du continent». D’ailleurs, deux des grands groupes marocains implantés sur le continent en témoignent: Zalar Holding et Holmarcom. Le premier est présent au Sénégal avec un projet d’aviculture porté par sa filiale Zalar Africa, tandis que le second compte trois filiales dont une au Bénin dans le secteur de l’eau minérale (ETE),  (doublement de la capacité de production depuis la prise de participation majoritaire), une deuxième en Côte d’Ivoire dans la transformation de noix de cajou (Dénia Ivoire en JV avec une entreprise locale qui démarre de zéro) et Mass Céréales aux îles Canaries, mais qui est encore en phase d’installation. Quand bien même ces investissements sont considérés comme «une aventure extraordinaire permettant aux entreprises marocaines de se développer au-delà de leurs frontières, dans des marchés qui sont moins matures avec des rentabilités plus importantes», Karim Chiouar, directeur général du groupe Holmarcom, ne manque pas de souligner que ces expériences comportent quelques risques. Omar Benayachi, directeur général de Zalar Holding, abonde dans ce sens, mettant en avant notamment des problèmes d’accès au foncier ou encore les craintes des petits producteurs locaux. Ceci étant, les deux dirigeants insistent sur l’importance de bien choisir son partenaire. «Pour rassurer les producteurs locaux d’aviculture au Sénégal, c’est notre partenaire qui a pris la parole et cela a été d’une grande utilité», révèle Benayachi. Pour sa part, Chiouar estime que «le partenaire qui va accompagner le développement doit permettre à l’entreprise marocaine d’avoir tout de suite un enracinement dans le pays dans lequel elle s’installe, des réseaux, la possibilité de se développer et de naviguer dans les arcanes de l’Administration entre autres. Il faut également faire appel à sa banque». C’est à elle de «mettre à disposition du client ses connaissances du marché et des données permettant d’asseoir la réalité du terrain et de lui proposer une mise en relation efficace», estime Kamal Mokdad, directeur en charge de l’international à BCP.

Le PMV source d’inspiration
En plus des investissements directs, le Maroc inspire les économies africaines dans le domaine agricole. Plusieurs pays ont par exemple dupliqué l’expérience du Plan Maroc vert. D’après Saida Ouarzane, chef de division de l’agrégation à l’Agence pour le développement agricole, «depuis 2009, près d’une centaine de missions ont été effectuées dans des pays partenaires du continent. Elles ont porté sur le transfert de technologie, mais aussi sur l’assistance technique et financière pour le développement agricole et durable. Des conventions ont été signées en 2014 avec notamment le Gabon, la Côte d’Ivoire et la Guinée Conakry, des pays très intéressés par l’expérience du plan Maroc Vert et par l’agrégation». Une démarche que le Maroc mène avec l’accompagnement de la FAO. Selon Florence Marie Rolle, représentante de l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) au Maroc, le ministère de l’Agriculture a sollicité la FAO pour stimuler la coopération Sud-Sud dans le domaine agricole. «Nous avons un programme comptant plus de 8 pays qui ont manifesté leur intérêt pour cette coopération Sud-Sud avec le Maroc. Nous avons actuellement une mission d’experts marocains qui partent au Swaziland pour des problèmes de stratégie dans le domaine de l’irrigation, nous avons aussi reçu une mission malienne dans le cadre des échanges de connaissances et d’expérience dans le domaine des agropoles», précise Rolle. Pour autant, il faut raison garder; le rapprochement entre le Maroc et le continent en est à ses balbutiements, seul l’avenir nous dira si la greffe prend.

Source: Economie Entreprises